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Une étincelle dans vos iris

21 février 2012

Expressionnismes

L'exposition Expressionnismus, Expressionnismi de la Pinacothèque continue à me hanter, ne serait-ce  qu'en raison du choc qu'a constitué la découverte de la peintre Marianne Von Werefkin, membre si peu connue  du Cavalier bleu. 

Badehaus

Ici, la maison sur pilotis... comme le souhaitait Kandinsky, la couleur y est vibration, à l'égal de la musique, et la rêverie s'épanouit grâce à cet horizon trompe-l'oeil qui paraît s'éloigner peu à peu.

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23 juillet 2011

Lumière pâle sur les collines (Kazuo Ishiguro, 1982)

lumieres-pales-sur-la-colline-Ishiguro-folioVa-et-vient permanent entre deux cultures et deux époques, ce premier roman de Kazuo Ishiguro met en scène l'histoire d'une japonaise ayant émigré en Angleterre. Le suicide de sa fille aînée est l'occasion d'une visite de sa cadette, les souvenirs jaillissent alors tels des charbons ardents, et elle semble revivre un été d'après guerre à Nagasaki. D'un style presque plat, l'auteur tire une puissance suggestive impressionnante, et alors même que l'intrigue n'a rien de spectaculaire, une atmosphère pesante tient en haleine un lecteur fasciné par la banalité de certains motifs qui deviennent mystérieux à force de récurrences. Les miasmes du terrain vague, l'eau vers laquelle la fille de la voisine revient toujours, la corde. La limpidité même des dialogues met en exergue les non-dits qui régissent les relations entre personnages... Il est d'ailleurs particulièrement troublant de constater que les pensées de la narratrice sont à peine esquissées : or, c'est précisément cette impossibilité pour le lecteur de pénétrer la véritable signification de ses souvenirs, qui donne toute sa force au mystère final. Quant aux duos de personnages régulièrement dédoublés, ils confèrent au récit une ambiance fantomatique surgie de presque rien.

22 juillet 2011

Avril brisé (Ismaïl Kadaré, 1980)

9782253033165-G  Récit croisé en forme de destins, Avril brisé s'offre comme une tragédie revisitée, à une  époque où l'Albanie des rudes plateaux paraît encore être une enclave médiévale  régie par la loi du Kanun. Ce droit coutumier ancestral administre de façon totalitaire l'existence des montagnards, qui se révèle très vite carcérale lorsque leurs familles sont emportées par le flux continuel de la vendetta. Erigée en Loi dont l'ombre plane sans cesse, la Bessa, ou parole donnée, une fois brisée, résonne comme un grondement de tonnerre sur tout le plateau, exigeant réparation par le sang versé. Dans le roman, le jeune Gjorg, faible rouage de ce système implacable, se voit  dès lors comparé à Hamlet, et porte le sceau mortuaire autour du bras, sous la forme d'un ruban noir qui le désigne aux yeux de la communauté tant comme meurtrier que comme future victime. Seule échappatoire temporaire, la réclusion dans une tour de claustration qui devra lui servir de vestibule de la mort. C'est à ce moment même que Diane, fraîchement épousée par l'écrivain Bessian qui l'a emmenée dans la région pour une étude ethnographique supposée inspirer ses écrits, est amenée à croiser la route du jeune homme...

Rarement la fugitivité des dernières pensées d'un condamné a été aussi délicatement esquissée : la tyrannie oraculaire qui tourmente le héros, et amorce sa menace avec le leitmotiv d'un sang à venger qui jaunit, laisse entrevoir en filigrane ses derniers frissons de vie et de révolte intérieure. C'est donc par un langage poétique et grave que Kadaré parvient à effleurer les émotions de protagonistes qui n'ont de libre que leur silence.

17 mai 2011

Fauve...

Kees_van_DongenVan Dongen. Son nom même est tintinnabulant et souterrain à la fois. Insaisissable et libertaire fauve des salons, cet éclectique inouï me laisserait presque sans voix face au Tango de l'Archange (1922). Par-delà la symbolique psychéenne qu'on lui prête, se dévoile le goût du peintre pour l'écart : masculinité séraphique et sophistication dénudée font appel à la connivence du spectateur pour rejouer les représentations classiques de la sensualité. Sans oublier le détail provocateur qui établit un flou espiègle sur la frontière entre genres.

 

tumblr_lj2yzt94yC1qa1j80o1_400 Avec La nuit ou la  lune (1922), le  peintre semble hésiter  entre l'univers aérien et  aquatique... n'est-ce  pas la lune qui commande le flottement sensuel de ce corps  comme abandonné au gré des marées ? On s'attendrait presque à  voir le vert d'eau laisser transparaître des écailles de sirène dans cette silhouette si longiligne qu'elle en devient presque dérangeante, pleine de mysticisme, à la lisière d'un fantasme et d'un cauchemar naissant.

Expo Kees Van Dongen au Musée d'Art moderne de la ville de Paris, du 25 mars au 17 juillet

2 août 2010

Les Heureux et les Damnés (Francis Scott Fitzgerald, 1922)

Inexorable écoulement du sablier de la déchéance, ce récit de Fitzgerald aux accents autobiographiques marqués met en scène une histoire d'amour fou qui se délite lentement. Ici, la fête est une fuite et chaque querelle laisse des rayures de diamant sur le bonheur de Gloria et Anthony.
"Tu ne fais rien. Alors rien ne compte". Tout est dit de la philosophie de vie d'un héros qui laisse ses talents se dissoudre dans une cynique et coupable oisiveté, et se vautre dans une existence abandonnée au mode conditionnel et à un état d'attente permanente.

D'un style dense et piquant, cette oeuvre magistrale mais trop peu connue épingle chaque personnage sans aucune complaisance, sans renier l'inanité de leurs destinées, ni s'égarer dans un moralisme facile.

Mlle_de_Gillespie

Mlle de Gillespie, "La dame de Biarritz" (Boldini, 1912)

 

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10 octobre 2009

Lettres à un jeune poète, Rainer Maria Rilke (quatrième lettre, 16 juillet 1903, extraits)

"Très cher Monsieur Kappus, j’ai laissé longtemps sans réponse une lettre de vous. Non certes que je l’eusse oubliée ; elle est de celles qu’on relit toujours quand on les retrouve. Je vous y ai vu de tout près. Je parle de votre lettre du 2 mai ; vous vous en souvenez certainement. La relisant aujourd’hui dans le grand calme de ces lointains, votre beau souci de la vie m’émeut encore plus qu’à Paris, où tout résonne autrement et se perd dans le bruit assourdissant qui fait vibrer toutes choses. Ici, où un pays puissant m’entoure, sur lequel traînent les vents des mers, je sens que sur ces questions et ces sentiments qui ont dans leur tréfonds une vie propre, nul homme ne saurait vous répondre. Les meilleurs se trompent d’ailleurs dans leurs mots quand ils leur demandent d’exprimer le subtil, parfois l’inexprimable. Je crois cependant que vous ne resteriez pas sans réponses si vous vous teniez à des choses comme celles qui refont actuellement mes yeux. Si vous vous accrochez à la nature, à ce qu’il y a de simple en elle, de petit, à quoi presque personne ne prend garde, qui, tout à coup, devient l’infiniment grand, l’incommensurable, si vous étendez votre amour à tout ce qui est, si très humblement vous cherchez à gagner en serviteur la confiance de ce qui semble misérable, – alors tout vous deviendra plus facile, vous semblera plus harmonieux et, pour ainsi dire, plus conciliant. Votre entendement restera peut-être en arrière, étonné : mais votre conscience la plus profonde s’éveillera et saura. Vous êtes si jeune, si neuf devant les choses, que je voudrais vous prier, autant que je sais le faire, d’être patient en face de tout ce qui n’est pas résolu dans votre coeur. Efforcez-vous d’aimer vos questions elles-mêmes, chacune comme une pièce qui vous serait fermée, comme un livre écrit dans une langue étrangère. Ne cherchez pas pour le moment des réponses qui ne peuvent vous être apportées, parce que vous ne sauriez pas les mettre en pratique, les « vivre ». Et il s’agit précisément de tout vivre. Ne vivez pour l’instant que vos questions. Peut-être, simplement en les vivant, finirez-vous par entrer insensiblement, un jour, dans les réponses."

20 septembre 2009

Chema Madoz, ou la photographie surréaliste contemporaine

escalera

Paul Klee disait : "L'art ne reproduit pas le visible. Il rend visible" : c'est par le détournement d'objets que ce photographe espagnol y parvient, tout en adoptant un style très épuré. Grâce à lui, nous nous glissons de l'autre côté du miroir...

taza_espiral

Objets en contextes...

assiettes

... qui sourient à l'infini.

4 septembre 2009

Old Boy (Park Chan-Wook, 2003)

Ris, et tout le monde rira avec toi. Pleure, et tu seras seul à pleurer.

    Le ton est donné : magistrale fable noire, Old Boy est l'histoire d'Oh Dae-Su (Choi Min-Sik), père de famille enfermé pendant 15 ans pour des raisons qu'il ignore, et pour qui la télévision fut le seul autrui possible. D'un monde de l'absurde que n'aurait pas renié Kafka, le réalisateur coréen nous fait passer à un univers machiavélique où le désir de punir le tortionnaire est l'instrument même du châtiment prévu par l'Autre, celui qui tire les ficelles : c'est en somme l'histoire de deux vengeances s'entremêlant jusqu'à donner le vertige dans les scènes finales, où le bourreau et la victime semblent devenus le miroir l'un de l'autre.

old_boy_2004___deux      macule       marteau      

A partir d'un scénario trouble qui soulèverait le coeur à plus d'un, Park Chan-Wook parvient paradoxalement à faire jaillir de ses personnages une empathie mutuelle, là même où ils paraissent avoir touché le fond. Rythmes, musique et photographie pour le moins inattendues sont également au service d'une réalisation originale qui donne toute leur place à des effets de ralenti, pour mettre en lumière une violence autre que celle à laquelle les cinéastes nous ont habitués : comme pour annoncer peut-être la douceur feutrée et rédemptrice de la dernière scène sous la neige.

3 septembre 2009

Lovely Head, par Goldfrapp

C'est un univers bien étrange qui semble se déployer lorsqu'on écoute ce titre : un peu comme une voix qui nous parlerait de l'autre côté des étoiles... L'influence frappante d'Ennio Morricone sur le duo de Goldfrapp (Will Gregory et Alison Goldfrapp) ne fait pas oublier pour autant le caractère in-édit de l'album Felt Mountain enregistré dans un bungalow en pleine nature.

Fermons les yeux, et nous ne sommes plus qu'un ballon détaché dans les airs...

 

4 janvier 2009

Le Joueur (Dostoïevski, 1866)

Très largement inspiré par la propre biographie de Dostoïevski, ce récit aux traits de crayon parfois un peu trop appuyés semble contenir en germes toutes les thématiques chères à l'auteur. Frénétique passion qui anime le héros puis le laisse apathique comme après une fièvre, le jeu le dépossède de sa virilité au moment même où il paraît être le seul espoir pour séduire la femme aimée.
Belle métaphore sur le désir, cet opus exalté offre une esquisse du caractère russe, au travers du Joueur comme de son double, la grand-mère autoritaire et détentrice du pouvoir, qui se laissera ruiner pour vivre cette passion impromptue.

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